Arthur Léon Haché est né le 5 février 1924 à Paquetville, dans le nord-est du Nouveau- Brunswick. Il est le troisième d’une famille de dix enfants.

Il n’a pas encore atteint l’adolescence quand il est forcé de quitter l’école après cinq années d’études. A l’instar de la majorité des jeunes de son âge, il doit aller travailler pour aider sa famille à survivre à la grande crise économique qui sévit alors.

Service militaire

Arthur Haché se porte volontaire pour le service militaire le 18 septembre 1941. Il déclare aux recruteurs qu’il a l’âge minimum (18 ans) pour s’enrôler, mais, en réalité, il n’a que 17 ans. Il est « parti joindre l’armée » avec un groupe d’une vingtaine de ses amis de la région.

Après avoir passé l’examen médical, il fait son entraînement de base au camp militaire d’Edmundston, dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, puis il suit un entraînement plus avancé au camp d’Aldershot, en Nouvelle-Écosse. Unilingue francophone, il doit apprendre l’anglais pour servir son pays puisque presque tout se passait en anglais dans l’armée.

Arthur Haché traverse en Grande-Bretagne en mai 1942 où il rejoint les rangs du régiment North Shore du Nouveau-Brunswick qui est outre-mer depuis la fin juillet 1941. On découvre alors qu’il est trop jeune pour être intégré aux rangs du régiment et il est renvoyé à une unité de renforts. Peu après avoir atteint ses 19 ans, il intègre définitivement le North Shore.

Le matin du 6 juin 1944, il débarque à Saint-Aubin-sur-Mer, en Normandie, avec son régiment qui fait partie de la 3e Division canadienne d’infanterie. C’est l’opération Overlord, le début de la libération de la France et de l’Europe de l’Ouest occupées par les Allemands depuis 1940.

Arthur Haché n’a alors que 20 ans. Il est un des plus jeunes soldats du North Shore.

Quatre semaines plus tard, soit le 4 juillet, il est blessé lors des combats à Carpiquet, près de Caen. Il est évacué vers l’Angleterre où il est hospitalisé pendant quelques semaines. Il rejoint le North Shore à la mi-septembre dans la région de Boulogne-sur-Mer. Les autorités médicales le jugent apte au combat même si la plaie à une jambe, recouverte d’un pansement, suppure toujours.

Avec son régiment, il participe à la bataille de l’Escaut et à la stabilisation du front dans la région de Nimègue, aux Pays-Bas. C’est ici qu’Arthur Haché est à nouveau blessé le 8 janvier 1945. Il est frappé par de nombreux éclats d’obus au visage, au dos et au pied. Il passe plus de quatre heures étendu dans la neige dans un champ avant que les secours n’arrivent.

C’est la fin de la guerre pour lui. Il est évacué vers l’Angleterre et ne retourne jamais au front. Il rentre au Canada à la fin juillet. En descendant du bateau à Montréal, il marche à l’aide d’une canne. Après un examen médical à Fredericton, on l’envoie chez lui, mais il ne peut réintégrer la maison familiale qui est sous quarantaine en raison d’une maladie contagieuse chez les enfants. Il va habiter chez un ami.

Il est démobilisé le 11 septembre 1945. Le service médical de l’armée canadienne lui avait alors dit qu’il restait deux éclats d’obus dans son pied. Pendant plus de 60 ans, les médecins du ministère des Affaires des anciens combattants lui répètent la même information. Toutefois, il y a quelques mois, une nouvelle radiographie pratiquée par un médecin indépendant démontre qu’il n’y a pas deux, mais bien dix éclats dans son pied.

Retour à la vie civile

Peu après sa démobilisation, on lui offre un emploi... cueillir des pommes de terre à l’Île-du- Prince-Édouard. Il refuse puisqu’il marche encore à l’aide d’une canne, pas tellement pratique pour travailler dans les champs. Après quelques mois à Bertrand avec ses amis anciens combattants, il comprend qu’il n’y a pas d’avenir pour lui dans la région et il part pour Montréal en avril 1946.

C’est là qu’il décroche un emploi à la compagnie Northern Electric où il fabrique des fils électriques. Il y travaille pendant 33 ans et prend sa retraite en 1979. Il revient à Bertrand, sa région natale, en 1980.

Décorations militaires et autres

Arthur Léon Haché est fier de porter cinq décorations militaires pour son service au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elles sont l’Étoile de 1939-1945, l’Étoile France-Allemagne, la Médaille de la Défense, la Médaille canadienne du volontaire et la Médaille de Guerre 1939-1945. Surtout, le 14 juillet 2011, la France l’a fait chevalier de la Légion d’Honneur

D’autres décorations lui ont aussi été accordées. Elle sont les médailles commémoratives du 50e et du 60e anniversaire du Débarquement, la médaille de Carpiquet et la médaille de l’Assemblée nationale française.

Entretien avec Arthur Haché

«Je suis débarqué en Normandie le 6 juin 1944. Nous ne savions même pas où nous étions. Nous avons eu peur comme c’est pas possible de le dire. Nos compagnons tombaient. Je serai là en Normandie pour le 60e anniversaire du débarquement; je veux me souvenir. Les gens en Normandie nous aiment beaucoup; il y a là une belle chaleur.»

«Nous étions pauvres, c’est à peine si nous savions lire et écrire. Nous pensions nous faire un métier. Nous avions vu passer des officiers au Nouveau-Brunswick et nous les trouvions bien habillés. Un matin de 1942, j’ai dit à maman que j’allais chercher des petites choses à la grocery.

Le lendemain je partais pour la guerre. Je n’ai pas fait la guerre par patriotisme. Je ne savais même pas, à cette époque, si le Canada avait un drapeau. Maman m’a grondé dans ses premières lettres; elle était pleine d’inquiétude. Finalement, les lettres sont devenues plus douces.

Nous sommes partis de l’Angleterre le 4 juin 1944. Nous devions débarquer le lendemain, mais la mer était trop mauvaise. Le 6 juin, il était 8 h 10 du matin, ç’a été la fête, je vous le dis. Durant la nuit, sur le bateau, nous avions eu la messe; nous avons fait nos prières.

Nous ne savions pas ce que nous allions vivre, mais nous nous doutions que ça allait poivrer.

 Les Allemands nous attendaient. Ce fut terrible. Les avions des alliés tombaient devant nous.

Dans les combats qui suivirent j’ai été blessé à deux reprises. Aujourd’hui, lorsque je passe aux douanes, je fais sonner les alarmes parce que j’ai des éclats d’obus dans le corps. Chaque fois, je dois m’expliquer.

Des camarades sont devenus fous sur le champ de bataille. Il y en a qui se sont suicidés, d’autres automutilés parce qu’ils ne savaient plus ce qu’ils faisaient, d’autres aussi qui ont été tués par erreur par les alliés. Puis, il y a eu tous les compagnons tués par les Allemands, qui répondaient aux ordres eux aussi. Je ne sais pas comment je suis sorti de là vivant. Je ne regrette rien cependant. C’est pourquoi j’aime retourner en Normandie.

Il y a parfois des gens qui me disent que nous recevons beaucoup du gouvernement canadien, nous, les vétérans. Je réponds que le premier voyage que j’ai fait en Normandie ne m’a rien coûté en argent, mais mon Dieu que j’ai eu de la misère! Je me souviens des premiers Noël, j’aurais tellement voulu être chez moi, à Bertrand. (interview parue dans l’Acadie Nouvelle »)